Voilà, on y est. Partis depuis 10 jours et même si on a pour l’instant plus l’impression d’être en vacances qu’en voyage, on est bel est bien partis pour ce tour du monde en 400 jours.
Après une première étape à Allevard accompagnés des derniers irréductibles, nous avons partagé les joies du camping hors saison et un dernier morceau de saucisson. Celui-là même qui nous manquera peut-être tant dans quelques mois.
Bref, une nuit au Balladins d’Alberville, camping pluvieux à Aigueblanche, Hôtel à Aime, puis chez l’habitant à Bourg Saint Maurice, jusque là, c’était beau temps et loin des objectifs kilométriques quotidiens. On ne pouvait prétendre partir faire un grand voyage sans passer par une épreuve un peu rude. Ainsi, on a réellement attaqué dans le dur avec le col du Petit Saint Bernard et ses 2188 m au départ des 840 m d’altitude de Bourg Saint Maurice.Parce que le voyage, ça sera aussi sûrement des soucis mécaniques, des affaires trempées et du pain mouillé, des semaines sans voir de douches chaudes et des grosses araignées…
On s’est donc lancés dans l’ascension du col du Petit Saint Bernard. 27 km de montée avec nos vélos chargés plus qu’il ne faudrait ; peur de manquer oblige. Au début, facile, 1, 2, puis 3 kilomètres, on y croit.
En appuyant un peu fort certes, mais pas encore dans le rouge. C’est après, quand il a fallu commencer à poser pied à terre pour compenser la rudesse de la pente qu’on a commencé à compter les kilomètres. 4, 5, 6 seulement et il est déjà 12h30. ça nous a déjà paru si dur et pourtant, ce n’est qu’un exercice.
Et puis, et puis y’avais aussi ces Mamies qui nous lançaient des encouragements depuis leurs fenêtres dans les virages.
On mange un rapide pique-nique au pied d’une ferme et on replie le sac de nourriture au fond de la sacoche, on coiffe nos casques encore mouillés et on se remet en selle. Le ciel est avec nous et les nuages se dissipent peu à peu. On pousse un peu, on pédale beaucoup. 7, 8, 9 Caroline avance bien avec son vélo tout neuf.
La pente s’accentue et le paysage change. Fini les chalets, on entre dans la forêt. Caroline hume les bois à la recherche des senteurs de champignons et d’autres produits sauvages. 10, 11, 12, elle regarde les champignons, peut être une coulemelle là-bas, dans le champs ?
Et puis, il y a les autres cyclistes que l’on croise, des Anglais, des Italiens et des Américains. Ils nous encouragent, ils nous disent « Bravo » ou « Chapeau » à la vue de nos drôles de vélos ! Alors derrière les gouttes de sueurs qui inondent mon t-shirt, rêvant un peu je me dis, 13, 14, 15, on a peut être déjà quitté notre dernière vallée française.
Lacets après lacets on se dit qu’on a déjà fait une bonne partie. On se demande jusqu’où on va pourvoir monter. On pédale un peu et on pousse beaucoup. Les bornes semblent de plus en plus espacées 16, 17, 18 on voudrait déjà être au col, y être tout de suite.
La forêt est plus parsemée et les arbres plus courbés par la neige qui doit les couvrir plus longtemps dans l’année. On arrive à la Rosière, la station de ski. Tout est désert, un village fantôme à 1850 m d’altitude. On remplit les gourdes une dernière fois et l’on pense à ce qu’il nous reste à monter : 19, 20, 21, on approche, mais ça nous parait encore si lointain.
Enfin, au détour d’un virage, on bascule dans le dernier goulet et on découvre au loin, la statue qui marque le col. Se dressant, seul à plusieurs kilomètres, elle nous parait si proche. ainsi sonne le signal, celui qui vous redonne espoir quand vous pensiez vous arrêter. De l’autre côté de la vallée, les rayons du soleil dans l’axe du col rasent les pentes onduleuses de la montagne et transforment les pâturages en une peau verte parsemée de petites bêtes marron. Tout semble au dessus, on a plus que monté, on est entrés dans une nouvelle dimension. Alors, après tous ces mètres, montés avec vigueur, on se plaint plus, on avance, un peu au bout de nos force, pour dépasser les 22, 23, 24 alors, on se regarde, on se sourie et on se motive une dernière fois. Il faut parfois se montrer opiniâtre.
Caroline est devant à pousser encore et encore sans faillir. Et moi, à régler ma caméra et changer d’objectif pour capturer, cette ambiance, cette lumière du soleil qui commence à raser la ligne d’horizon formée par les sommets lointains. Au loin, on perçoit la brume côté Italien. C’est dans cette partie du col, où, pour la première fois, il nous semble voir l’entièreté du voyage. Si on passe ce col, alors rien ne pourra plus nous arrêter. Pas tant parce qu’il est dur, ni si pentu que ça. Mais parce qu’a cet instant là, précisément, cette difficulté est tout le voyage. Dans notre tête, on y est. On se sent enfin partis, puisqu’on sent qu’on mérite d’arriver. On regarde la statue qui semble tendre vers l’infini, cette chose que l’on voit au loin, mais que l’on peut approcher, et pourtant 25, 26 27, on y arrive enfin. On saute de joie, on se prend dans les bras, fort l’un et l’autre et on se rappelle, que pousser ou pédaler, peu importe, il faudra toujours avancer. Ça sera notre précepte.
Anthony
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